Souffrances inévitables (20 mars 2020)

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ! » Ce vers de La Fontaine tiré des Animaux malades de la peste, c’est ce qui nous arrive. Non pas que tous soient atteints par le COVID-19, mais parce que cette pandémie nous touche tous, a déjà bouleversé tous nos modes de vie. Nul ne sait pour combien de temps. Et qui peut se dire indifférent ?

Certains vivent le confinement à l’abri, épargnés, privilégiés ; mais des soignants sont déjà au cœur du cyclone. Dans les régions où monte la contamination, d’autres sont au pied d’un tsunami qui va déferler.

Déjà, des familles endurent de grands drames quand des proches meurent sans qu’on ait pu les visiter, les toucher, leur dire au-revoir, et sans qu’on puisse vivre auprès de leurs dépouilles mortelles les rites de deuil – dont on sait à quel point il peut être traumatisant d’être privé.

Tout cela me fait appeler Viktor Frankl à l’aide. Survivant des camps de concentration où son épouse et tous ses proches avaient péri dans des conditions terribles, le docteur Frankl a développé, à partir de son expérience de ces atrocités, une psychothérapie fondée sur le sens. Il en a déduit trois façons de donner un sens à sa vie. Non pas trouver le sens de sa vie, mais bien lui donner un sens, en toute circonstance.

Frankl note d’abord : « accomplir une œuvre ou une bonne action » : aujourd’hui de nombreuses personnes accomplissent leur œuvre ou leurs bonnes actions pour soigner, consoler, écouter ; prennent des initiatives en faveur de ceux qui ont besoin de solidarité.

Second moyen noté par Frankl : « connaître ou aimer quelque chose ou quelqu’un », avec une priorité à l’oubli de soi en faveur d’autrui. Sur ce point aussi, la situation actuelle offre mille exemples : on se soucie les uns des autres, en famille, entre voisins, collègues, amis, sans oublier les personnes isolées…

Vient l’ultime, la plus imparable façon pour Frankl de donner un sens à sa vie : « assumer dignement une souffrance inévitable ». Pourrait-elle aider les proches des défunts cruellement privés de rites de deuil ? Cette terrible privation est inévitable à cause du virus. On ne peut lui donner un sens que si l’on est aidé à accepter que la pandémie exige de telles précautions. Inhumaines, mais consenties pour protéger ensemble l’humanité. Car que diraient ces chers disparus, sinon : « Priorité à la vie ! Prenez soin de vous et des autres… » ? Il faudra beaucoup d’écoute pour compenser l’absence des précieux rites de deuil, par quelque chose à inventer, qui soit apaisant et consolateur.

 

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