IVG : gare à la panique

Sad Asian girl looking at pregnancy test sitting on floor

Article paru dans Valeurs actuelles le 03 avril 2015.

Un an après la suppression du critère de détresse comme condition d’accès à l’interruption volontaire de grossesse instaurée par la loi de 1975, c’est le délai de réflexion d’une semaine qui est remis en cause. Catherine Coutelle, présidente PS de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, a fait voter sa suppression en commission des affaires sociales, par amendement à la loi santé.

Pourquoi cette nouvelle étape dans l’érosion continue de l’encadrement de l’avortement ? La gauche efface systématiquement toutes les dispositions qui pourraient aider les femmes enceintes à envisager une autre issue. Ainsi, les “commissions d’aide à la maternité”, votées en 1979 pour rééquilibrer le dispositif législatif, n’ont jamais vu le jour, faute de décret d’application ; l’entretien préalable a été supprimé en 2001 par Martine Aubry, de même que la transmission aux femmes enceintes consultant en vue d’une éventuelle IVG des informations sur les soutiens prévus par la société pour les aider à accueillir leur enfant… Tout est fait pour que le parcours vers l’IVG soit sans retour.

Catherine Coutelle juge le délai de réflexion « infantilisant et stigmatisant ». Le législateur a pourtant pris soin de codifier des temps de rétractation dans des domaines moins cruciaux, pour protéger les acheteurs de certains biens ou services des conséquences d’une décision prise à la légère. Alors que toute intervention de chirurgie esthétique impose un délai de réflexion de deux semaines, un geste aussi irrémédiable que celui d’avorter, qui scelle le destin d’une existence et retentit fortement sur la vie des femmes, devrait être exécuté sans préavis !

Chacun sait qu’avorter n’a rien d’un geste anodin mais tout est fait pour le banaliser : c’est le paradoxe du déni. Les sondages d’opinion ont beau confirmer que, pour 83 % des femmes, “l’IVG laisse des traces psychologiques difficiles à vivre”, l’hésitation puis le regret sont interdits. Que près de quatre Françaises sur dix fassent l’expérience de l’IVG ne fait qu’alimenter ce qui est devenu un énorme secret de famille. Beaucoup souffrent en silence. Et nombre d’hommes aussi.

L’idéologie du “droit des femmes à disposer de leur corps” est passée par là. Son jargon entend détacher la notion de grossesse, censée ne concerner que le corps des femmes, de celle de maternité, réservée aux enfants “désirés”.

Une double norme sociale a imposé sa fatalité : un enfant aurait besoin d’avoir été désiré pour être heureux, et d’être programmé pour être désiré. La plupart des “accidents de contraception” finissent ainsi en IVG : 72 % des femmes qui y recourent utilisaient une méthode de contraception dite fiable quand elles sont devenues enceintes, révèle l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Et si on revenait à la réalité ? Toute personne engagée dans l’aide aux femmes enceintes sait la complexité des sentiments contradictoires éprouvés à la découverte d’une grossesse. On parle de “recomposition psychique”. La perspective d’une naissance imprévue engendre un bouleversement d’autant plus fort. Souvent, les femmes éprouvent simultanément de la peur (voire de l’angoisse) et de la joie… Elles ont d’abord besoin de temps et de sécurité. Faute de soutien, de bienveillance et d’aide, comment garder confiance ? Surtout si le compagnon, l’employeur et la société exercent, directement ou indirectement, une pression qui décourage la perspective d’une naissance. C’est souvent le cas.

Quant aux médecins, à leur première consultation médicale, la plupart des femmes enceintes les entendent poser en toute bonne conscience une question réductrice : « La grossesse est-elle désirée ? » Exiger un classement binaire des vies en désirées et indésirables méconnaît la réalité du désir, son caractère fluctuant et évolutif. Tant d’IVG sont consenties dans la panique, à contrecœur !

Forcer les femmes enceintes à se décider sans retour, c’est nier leur ambivalence naturelle. Les spolier du temps pour se faire aider relève de la maltraitance. En privant la vie qu’elles portent d’une chance, on leur fait violence.

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