La France eugéniste

La France eugénisteLors d’une réunion de spécialistes de la bioéthique, un nouveau cri d’alarme a été lancé contre l’accélération de l’eugénisme.

Le forum européen de la bioéthique s’est tenu à Strasbourg, du 30 janvier au 4 février 2012 à l’initiative du professeur Israël Nisand. Parmi les questions abordées, celle de l’eugénisme a quelque chose d’humiliant pour la France. L’article 16-4 du code civil précise en principe que «  Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite.  » Et pour beaucoup, le mot eugénisme reste attaché aux années noires du milieu du XXe siècle.

En réalité, il s’agit d’une idéologie née dans les grandes démocraties occidentales à la fin du XIXe. Le mot fut inventé par le Britannique Francis Gal¬ton. Cousin de Darwin, Gal¬ton définissait l’eugénisme comme «  la science de parfaire le stock (…) afin de donner aux races les plus viables la possibilité de prévaloir rapidement sur les moins viables  ». Il fonda en 1907 la Société Eugénique qui eut un fort rayonnement dans la bourgeoisie des pays industrialisés. Margaret Sangers, la fondatrice du Planning familial, les reprit à son compte, et eut d’ailleurs sur ce sujet des connexions avec les nationaux-socialistes quand leurs thèses racistes émergeaient. À l’époque, le français Alexis Carrel les relayait. Prix Nobel de médecine en 1912 et auteur en 1935 du célèbre livre L’Homme cet inconnu, Carrel proposait de supprimer les classes sociales et de les remplacer par des classes biologiques. Il entendait remplacer la démocratie par la «  biocratie  ». Estimant que «  la sélection naturelle n’a pas joué son rôle depuis longtemps  » et que «  beaucoup d’individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l’hygiène et de la médecine  », le docteur Carrel plaidait pour un eugénisme incluant le re¬conditionnement au fouet des délinquants et l’euthanasie de toute une série d’indésirables. C’est l’industrialisation de ces thèses horribles par le nazisme qui les a fait rejeter. Mais elles étaient bel et bien à la mode dans les bonnes sociétés de l’entre-deux guerres.

Le mot eugénisme a beau être désormais largement rejeté, 96% des fœtus français dont on dépiste la trisomie sont avortés. On nomme cet acte «  médical  »  : c’est l’«  interruption médicale de grossesse  » ou IMG qui est autorisée pendant ses neuf mois. Pour certaines graves myopathies, le recours à l’IMG atteint 100%. On peut parler de tentative d’éradication d’une maladie par l’élimination du malade. Mais avec des demandes croissantes pour des pathologies bénignes, les progrès et la généralisation du dépistage, le fantasme d’un bébé zéro défaut s’est développé. Pour ceux qui le contestent, il ne s’agit aucunement de nier la souffrance liée au handicap, ni de condamner parents ou médecins. D’autant qu’on ne sait plus très bien qui des couples ou des soignants provoque l’accélération eugéniste. Il reste que la France détient bien le record du monde du dépistage anténatal du handicap suivi d’avortement. Le tout est validé par la loi et remboursé par la sécurité sociale. À l’époque de la jurisprudence Perruche, qui avait prétendu en 2000 qu’il valait mieux être avorté que naître handicapé, l’Assurance maladie avait même demandé le remboursement des sommes dépensées pour la prise en charge du jeune Nicolas Perruche à l’échographiste qui n’avait pas détecté son handicap, privant ses parents de la possibilité de recourir à l’IMG.

Le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, fut l’une des premières sommités à dénoncer notre eugénisme. à Strasbourg, en présence de Christine Boutin, il a lancé un nouveau cri d’alarme, répétant qu’Einstein ne pourrait naître en 2012 du fait d’une malformation cérébrale.

Il a également mis en garde contre les conséquences des progrès du dépistage  : ils vont très bientôt permettre de détecter les anomalies du fœtus à partir d’une seule goutte de sang maternel «  dans le délai de l’IVG  ». Pour le professeur Sicard «  l’enfant jetable est à nos portes  »  ! Porte-parole du Comité pour sauver la médecine prénatale (CSMP), le docteur Patrick Leblanc l’a confirmé de son côté  : «  On n’est plus dans la médecine de soin, mais dans la traque du handicap  ». Pour le gynécologue-obstétricien «  L’enfant à venir est présumé coupable et doit prouver sa normalité  ». Pour le CSMP, la systématisation du recours au dépistage prénatal incluse dans la loi de bioéthique récemment révisée a encore aggravé l’eugénisme français.

http://www.20minutes.fr/societe/873…

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