Foot et boucs émissaires (19 janvier 2018)

« J’aime suivre à la radio les matchs de foot commentés en direct. Il y a toujours du suspense, des éclats et même des conflits… Heureusement sans mort d’homme, contrairement aux jeux du cirque. Or, le match Nantes / Paris-Saint-Germain du 14 janvier que j’écoutais à la radio m’a donné à réfléchir.

Pour ceux qui ne le savent pas, l’arbitre Tony Chapron est tombé, involontairement bousculé par un joueur nantais dont il coupait la course. Dans un geste étrange, alors qu’il était encore au sol, cet arbitre a porté un coup de pied dans la jambe du joueur qui venait de le faire chuter. Finauds, les commentateurs ont illico promis au geste et à son auteur une résonance mondiale. D’autant qu’entraîné par sa fougue, l’arbitre sanctionnait d’une expulsion le joueur innocent. Cela allait être une curée, et c’est ce qui advint, malgré les excuses tardives du pauvre Tony Chapron. L’implacable séquence vidéo a fait le tour du monde. Avec son chapelet de commentaires ironiques, mais aussi de quolibets et d’injures. Quel défoulement ! On est même allé chercher dans la biographie du coupable de quoi l’enfoncer davantage. Pouvoir s’en prendre à un arbitre, pris sur le fait des gestes qu’il est censé sanctionner ! Quel délice !

Pour ma part, ce lynchage médiatique et sur les réseaux ASOCIAUX m’a mis mal à l’aise. En regardant la séquence, je peux comprendre qu’ayant lourdement roulé au sol, le quadragénaire ait esquissé son geste d’humeur fautif. Puis qu’il se soit enferré en sortant son carton rouge. Le voilà puni et banni.

En réalité, lequel d’entre nous ne s’est jamais surpris à perdre son contrôle par une parole, un geste, une attitude ? Qui ne s’est jamais entêté dans une forme d’injustice ?

La société de l’hyper-individualisme est aussi celle des foules cruelles, sans miséricorde. René Girard a bien décrit le phénomène d’emballement mimétique contre des boucs-émissaires, accusés de tous les maux, sur lesquels on s’acharne.

Du coup, je veux dédier cet édito à tous les boucs-émissaires INVISIBLES de notre société, sans jeter la pierre à personne – ce qui serait un comble quand on tente d’éveiller les cœurs à ce phénomène ! – Je pense donc à tous ceux que nous REJETONS à nos frontières : aux frontières du PAYS, ceux qu’on ne peut ou ne veut pas laisser entrer ; et aux frontières de la VIE, ceux qu’on ne peut ou ne veut pas laisser naître. Avouons qu’ils ont en commun de déranger notre opulence. Et là, il y a mort d’homme, et grand besoin de prise de conscience ! »

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