La grenouille gonflée

Avec des « Manifs pour tous » à Paris, Lyon, Marseille, Tou­louse, Nantes, Rennes, etc. (www.lamanifpourtous.fr), le samedi 17 novembre 2012, puis à Bor­deaux, Lille, Nancy et Le Mans le samedi 8 décembre, la mo­bilisation contre le projet gouvernemental instaurant un « mariage » assorti d’un droit d’adopter des enfants pour deux personnes de même sexe entre dans une nouvelle phase.

Discuté à l’Assemblée nationale en commission à partir du 14 janvier 2013, le texte est annoncé dans l’hémicycle pour le 29 janvier. Entretemps, il y aura eu la première grande manifestation nationale. Et peut-être un changement de cap. Car les sondages confirment l’érosion de l’adhésion des Français au mariage entre personnes de même sexe. Une majorité est désormais hostile à l’adoption homosexuelle : selon le sondage Ifop com­man­dité par Les Adoptés, 63 % des personnes interrogées « sur le principe qui doit être garanti prioritairement dans le cadre de ce débat de société », ont répondu « qu’il faut que les enfants puissent avoir un père et une mère » contre 34 % qui affirment « qu’il faut que les couples homosexuels puissent adopter des enfants ».

Le président de la Ré­pu­blique, dont on dit qu’il « dé­­teste les sujets ‘clivants’ », ne semble plus très convaincu de l’opportunité de sa mesure 31. Au lendemain de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, un titre du Parisien-Aujourd’hui en France a fait du bruit : « Hollande réservé sur le mariage gay ». Ses proches conseillers auraient confié qu’il « n’y croit pas tant que ça ». Tandis qu’une vidéo agite Internet : on y voit Lionel Jospin, instaurateur du Pacs, critiquer l’expression « mariage pour tous » au Grand journal de Canal+ du 9 novembre. L’ancien Premier ministre réaffirme que « l’humanité est structurée entre hommes et femmes » et « pas en fonction des préférences sexuelles ». Dans cet élan, plusieurs députés socialistes ont exprimé tour à tour leur hostilité au projet, la demande d’un vrai débat ou encore d’une liberté de vote.

Les auditions publiques ont commencé à l’Assemblée nationale. La première, celle de trois sociologues, leur a paradoxalement donné un tour idéologique : successivement Irène Théry, Martine Gross et Virginie Descoutures se sont escrimées à déconstruire la famille père-mère-enfant. Mais quelle est la crédibilité scientifique d’une Martine Gross qui cumule les titres d’ingénieur de recherches en sciences sociales au CNRS et de présidente d’honneur de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) ? Sur d’autres sujets, son expertise serait récusée au nom d’un conflit d’intérêts. Pendant ce temps le « pays réel » donne un autre ton au débat. En quelques jours, plus de 16 000 maires et maires-adjoints ont rejoint l’Appel des Maires pour l’enfance, et parmi eux plusieurs milliers étiquetés à gauche. Les unes après les autres, les caisses nationales des allocations familiales (CNAF), d’assurance vieillesse (CNAV) et d’assurance-maladie (CNAM) ont voté contre le projet.
« Les réacs se déchaînent » croit devoir résumer l’hebdomadaire Marianne du 10 novembre. Les promoteurs de « l’homofiliation » taxent d’homophobie ceux qui s’opposent à leurs projets, alors que les opposants au mariage gay comptent dans leurs rangs des personnalités homosexuelles qui contestent le droit d’une société de priver des enfants de la parité homme-femme dans le couple de parents. Quant au lobby LGBT (pour Lesbien, Gay, Bisexuel et Transsexuel), principal promoteur du projet de loi, il a voulu réagir le jour du passage du projet en Conseil des ministres, ne réussissant à ne réunir que « plusieurs centaines de personnes » devant l’Assemblée nationale selon l’Agence France Presse alors qu’« une cinquantaine d’associations avait appelé à manifester, certaines proches de l’UMP comme Gaylib ou La Diagonale, d’autres proches de la gauche comme Homosexualité et socialisme mais aussi le syndicat étudiant Unef et les syndicats lycéens FIDL et UNL ». Ce rassemblement — confidentiel, au regard des enjeux — prétendait protester contre le caractère « décevant » du texte gouvernemental, à l’image d’Élisabeth Ronzier de SOS Homophobie pour laquelle « un pas dans la bonne direction » effectué par le gouvernement « ne serait toutefois pas complet sans l’accès à la PMA pour les lesbiennes ».

Et si les promoteurs du « mariage pour tous » étaient en train de se rejouer l’histoire de la grenouille de la fable ? Une réponse leur sera donnée le samedi 17 novembre : les manifestations régionales auront valeur de test national.

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