Retour aux valeurs ?

presidentielles2012« Valeurs » était presque devenu un gros mot. Philippe de Villiers avait osé revendiquer un «  Combat pour les valeurs  », prémisses de son Mouvement pour la France. Et seul l’hebdomadaire Valeurs actuelles ose encore arborer le mot dans son titre, avec, en exergue, une explication avec la maxime économique de Jean Bodin (1529-1596)  : «  Il n’est de richesse que d’homme  ». Aujourd’hui, les valeurs financières sont en pleine déconfiture et c’est bien le grand retour en campagne des valeurs morales au nom de «  l’humanisme  ». Les candidats de tout poil s’en sont emparés  ; ils prennent simplement soin que le travail, la famille et la patrie n’apparaissent pas dans cet ordre…

En trois semaines, coup sur coup, les grands candidats ont ferraillé autour des valeurs. Pour Nicolas Sarkozy, entré en lice le premier sur ce terrain, ce fut «  travail, responsabilité, autorité  ». Avec même un panégyrique des valeurs familiales si explicite que les mauvaises langues ont murmuré sur son parcours personnel. à peine le président de la République les avait-il vantées dans son grand entretien de lancement de campagne au Figaro magazine : «  Mes valeurs pour la France  » que son adversaire du centre, François Bayrou, le prenait au mot en rétorquant, lors de la convention sociale de son parti  : «  Eh bien, ce sera valeur contre valeur  !  » En aparté, ses proches se félicitaient que ce qu’ils nomment la «  droitisation  » du discours présidentiel ait «  ouvert un boulevard  » au Modem. L’hebdomadaire La Vie pouvait à son tour titrer en Une : «  Bayrou  : mes valeurs  ». Sa réponse à Nicolas Sarkozy fut  : «  Liberté, solidarité, responsabilité  ». Avec pas mal de flou sur la question de l’homosexualité mais un mot en commun, celui de responsabilité. Le candidat centriste l’exhibe toutefois pour mieux tancer le chef de l’État qu’il accuse, avec ses projets de référendum, de «  dresser les Français les uns contre les autres  », en faisant de l’étranger ou du chômeur les boucs émissaires de la crise. En un mot de draguer, comme en 2007, les électeurs du Front national. Mais Marine Le Pen estime à son tour que la «  ficelle  » des valeurs de droite vantées par Nicolas Sarkozy est «  si grosse  » qu’elle ne trompera pas les Français.

François Hollande n’est pas en reste. Ce sera à l’hebdomadaire Marianne de titrer à son tour : «  Hollande réplique à Sarkozy sur les valeurs  ». Et l’hebdomadaire de lister  : «  Valeur travail, laïcité, sécurité…  » Sur le travail, le candidat socialiste tacle en toute logique le président sortant  : «  Quand il y a 4 millions de chômeurs, où est la valeur travail  ?  » François Hollande affirme savoir la raison pour laquelle le candidat Sarkozy se réfère aux repères  : «  Il choisit les valeurs parce que son bilan ne vaut rien  !  » Dans cette foire d’empoigne, à la bourse des valeurs morales, on se croirait presque aux États-Unis d’où Jean-Philippe Balasse, l’envoyé spécial d’Europe 1, a lancé un tweet stupéfait  : «  Le très très conservateur Rick Santorum distance Romney dans les derniers sondages. En causant religion, contraception… Et l’éco  ? Dingue.  »

Pour les Américains, comme pour les Français, faut-il se réjouir que les questions les plus essentielles, celles qui structurent la société, l’emportent sur les calculs économiques, sur le dollar comme sur l’euro  ? La crise rendrait-elle la gestion si prioritaire, pas seulement en Grèce ou en Italie, que l’économie ne serait plus objet de débat  ? Cette crise pourrait-elle même faire passer la «  priorité écologique  » pour un caprice suranné de riches bobos  ? Du coup, c’est l’affrontement anthropologique autour des fondamentaux de la société.

Certains souligneront qu’une bonne gestion passe par le retour d’une certaine morale — ou moralité — publique. La fin des frasques de l’ère Berlusconi semble l’attester. Mais du côté socialiste, et plus généralement du côté gauche, c’est plutôt la fuite en avant libertaire.

En matière de famille et de bioéthique, le candidat du parti socialiste est en effet entré en pleine connivence avec ses concurrents de premier tour  : recherche sur l’embryon, droit d’accès au mariage, à l’adoption et à la procréation artificielle pour les personnes homosexuelles, sans oublier une euthanasie d’autant plus insidieuse qu’elle ne dit pas encore son nom… Cette fois encore, la gauche promet de construire une «  nouvelle société  ». Ce qui nécessite largement de poursuivre sa démolition.

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