L’euthanasie s’emballe

7a8Quoi de mieux qu’une émission du dimanche soir pour lancer un livre  ? En pleine campagne présidentielle et à quatre semaines d’intervalle, deux plaidoyers posthumes pour l’euthanasie ont été promus sur TF1 dans le magazine 7 à 8. Le 11 mars 2012, ce fut celui de Marie Deroubaix (6 mois à vivre, éditions Le Cherche midi) «  suicidée  » en Belgique. Dès le lendemain, le titre était propulsé en tête des ventes sur le site Amazon.fr. Tous les médias ont embrayé.

Même émission le 1er avril 2012 pour parler, cette fois, d’Eddy de Somer, accidenté en 2001 à l’âge de 23 ans. Son état de santé n’a pas évolué ces derniers mois. L’histoire est juste «  réactivée  » aujourd’hui, pour les besoins d’une cause, celle de l’euthanasie, grâce à la sortie du livre attribué à la mère de ce jeune homme très dépendant  : Donnez à mon fils le droit de mourir, éditions City.

Michèle de Somer est décédée d’un cancer en juillet 2011. Son ouvrage posthume est présenté comme écrit «  avec Frédéric Veille  ». Le journaliste n’en est pas à son coup d’essai. Correspondant de RTL, on lui doit également l’ouvrage attribué à Vincent Humbert, Je vous demande le droit de mourir, paru en 2003, le lendemain du passage à l’acte de sa mère Marie. C’est aujourd’hui Laura de Somer, sœur d’Eddy, qui prend le relais de la revendication euthanasique dans les médias. Alors que le président de la République avait accéléré la recherche d’une solution d’accueil pour le jeune homme au décès de sa mère, Laura reproche à Nicolas Sarkozy de ne pas avoir tenu sa promesse de rendre visite à son frère.

La presse avait déjà parlé de cette affaire le 26 septembre 2003, comme d’une réplique de l’affaire Humbert, puis en 2011, lors du décès de Michèle de Somer (cf. La Bataille de l’euthanasie, p. 203). Marie Humbert affirmait alors  : «  Je crois que son ultime désir était de pouvoir partir avec son fils. Malheureusement, personne ne l’a écoutée.  » Et la mère de Vincent demandait «  qu’on puisse laisser partir les enfants qui le désirent ou même s’ils ne le désirent pas  ». Deux déclarations qui révèlent jusqu’à quelles revendications effarantes la «  fusion mère-enfant  » non régulée peut conduire.

Au-delà du drame familial qui peut expliquer la demande d’euthanasie par une fratrie éprouvée puis endeuillée, c’est à nouveau un plan média soigné qui est aujourd’hui mis en œuvre. Avec, comme pour l’affaire Humbert, TF1 à la manœuvre et RTL comme relais. Le 4 avril 2012, Yves Calvi y a reçu «  avec beaucoup d’émotion  » Laura de Somer.

Mêmes approximations dans leur échange que pour Vincent Humbert  : on présente à tort Eddy comme «  tétraplégique  », alors que se sont les séquelles d’un grave traumatisme crânien qui le rendent dépendant. Faut-il souligner que le jeune Eddy est actuellement pris en charge par une institution de vie et qu’il n’est aucunement en fin de vie  ? Incapable de s’exprimer, il ne demande pas cette euthanasie qu’on croit devoir réclamer pour lui. Sa sœur avoue avoir besoin d’être «  libérée d’un poids  ». Elle entend aussi libérer son frère de ce qu’elle estime être sa «  souffrance  ». Elle précise ici qu’il était «  fusionnel  » avec leur mère et, ailleurs, qu’il s’ennuie. Stupéfiants interviews à réentendre.

Fidèle à la mémoire de sa mère, Laura de Somer se dit certaine qu’Eddy souhaite mourir. Mais cette assertion n’est étayée par aucun argument valable. Que Laura puisse publiquement assimiler son frère à une «  plante verte  », qu’elle dise même le considérer comme déjà «  mort  », c’est excusable. Comme était bien compréhensible la désespérance de Michèle de Somer. Mais que de vrais journalistes puissent laisser dire que les personnes gravement dépendantes ne sont plus vivantes, et reprendre à leur compte la revendication d’injection létale à l’encontre d’Eddy, tout en laissant entendre que François Hollande y serait favorable, c’est effrayant.

L’affaire est finalement emblématique de ce qui se passerait si l’euthanasie était dépénalisée  : on voudrait très vite l’imposer à des personnes vulnérables et sans défense, incapables de s’exprimer. Peut-on accepter que la façon la plus radicale de «  faire le bonheur  » des autres malgré eux soit de les mettre à mort  ? Gare à l’ «  altruisme  » meurtrier.

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