Sacré fraternité ! (14 décembre 2018)

Sacrée fraternité !

Comment réparer les fractures qui minent notre société sans la fraternité ? C’est le mot un peu négligé de notre devise nationale. Or, sans fraternité, il n’y a pas de vraie solidarité, mais des électrons « libres et égaux » qui s’ignorent ou s’affrontent.

Mais d’où vient la fraternité ? Son écosystème d’origine, c’est la famille : on y apprend à vivre ensemble sans s’être choisis. Loin d’une image d’Épinal, la famille est le lieu de confrontation d’intérêts divergents. Frères et sœurs doivent partager la tendresse et l’attention des parents, la salle de bain, les repas… Autant d’occasions de conflits à réguler par l’autorité. Pour décider d’une activité familiale – tiens par exemple : comment allons-nous fêter Noël cette année ? – les parents visent le « bien commun » de la famille, celui qui concilie le bien de chacun avec celui de tous. Pas évident, surtout quand surgissent les revendications des adolescents.

La fraternité naît du temps qu’on est forcé de passer sous le même toit. Cette affection, cette solidarité fraternelle grandit ou s’abîme au fil des jeux et des jalousies, des disputes, parfois violentes, où les uns abusent de leur force et les autres de leur faiblesse, et, bien sûr, de belles réconciliations. On n’est pas trop de deux, dans le tribunal paritaire père-mère, pour trancher quand les justiciables – les enfants – sont tous sûrs de leur bon droit puisque – à les entendre – c’est toujours l’autre qui a commencé…

Transposons ces difficultés à la Nation : quand sa cohésion est menacée par des intérêts conflictuels, de vieilles rancœurs et des égoïsmes de caste, il faut, pour restaurer la fraternité, des autorités publique sages, justes et désintéressées.

Elles doivent aussi encourager la solidarité fraternelle dans la famille.

Est-ce le cas ? Pas vraiment, si j’en juge par le tout récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui m’a atterré. Écoutez bien. Une femme a accouché de triplés conçus in vitro : un bien-portant et deux porteurs d’un handicap. Ce handicap n’ayant pas été dépisté avant la naissance, elle n’a pas pu avorter sélectivement de deux enfants. Et voilà donc qu’il est reconnu au troisième un préjudice du fait de la naissance de ses jumeaux handicapés. Quelle tristesse ! N’est-ce pas dans l’enceinte maternelle partagée à plusieurs que la fraternité prend une dimension inouïe ? De nombreuses personnes ont d’ailleurs découvert qu’elles souffraient d’avoir perdu un jumeau par fausse-couche accidentelle.

Ne profanons pas cette fraternité-là ! Elle est sacrée.

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