L’amour en question

Selon un sondage réalisé du 12 au 14 février 2013,  seulement 39 % des Français soutiendraient la loi Taubira. Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, explique pourquoi mariage et adoption sont intimement liés, et combien la reconnaissance de l’amour homosexuel est une question complexe qui mérite mieux que des slogans.

Pourquoi le sondage Ifop révé­lé par Alliance VITA en contredit-il tant d’autres ?

Les sondages habituels posent séparément les questions du mariage et de l’adoption, alors que le mariage est indissociable dans notre pays de la capacité d’adopter des enfants. Nous constatons sur le terrain que le slogan « mariage pour tous » trompe encore les personnes qui n’ont pas conscience que le projet de loi inclut l’adoption plénière… Nous avons voulu en avoir le cœur net. Le résultat est édifiant.

sondifop

Quelle synthèse en faire ?

Seulement 39 % des Français soutiennent la loi Taubira. Et parmi les sympathisants de gauche, une forte minorité y reste hostile. Cela tranche avec la quasi-unanimité des votes socialistes dictés par la consigne du parti. On peut dire qu’une baudruche se dégonfle.

C’est trop tard !

Pas du tout ! Le jour du vote à l’Assemblée, j’ai entendu les promoteurs du projet se désoler de la durée des discussions : le temps joue en leur défaveur. Notre mobilisation a mis l’enfant au cœur du débat, puis la filiation, puis la procréation artificielle. Le voile se lève. Il faut persévérer, sans craindre la répétition… Selon Napoléon, c’est la meilleure figure rhétorique !

Vous avez posé la question du PACS « amélioré », est-ce la position d’Alliance VITA ?

Certainement pas. Nos services d’écoute comme les récentes enquêtes de l’OCDE montrent que tous les succédanés de mariage fragilisent le lien parents-enfants, avec surtout un risque d’effacement des pères. Ce sont des contrats précaires. Leur rupture laisse sur le carreau les plus fragiles, en premier lieu les femmes. La cohésion sociale a besoin que la stabilité familiale soit encouragée.

Et l’Union civile ?

Si elle était réservée aux personnes homosexuelles, ce serait un dispositif stigmatisant. Les promoteurs du « mariage pour tous » ont raison de le récuser. Et ce type d’union serait sans doute contraire à la Constitution… Je comprends que des responsables politiques aient le souci de proposer une alternative. Pourquoi pas un contrat patrimonial « non sexuel » pouvant faciliter la vie de deux personnes ou plus vivant ensemble ? Il répondrait à un besoin de justice pour des petites communautés de vie. On peut penser à des sœurs âgées vivant ensemble, etc.

Certains perçoivent dans les « manifs pour tous » une certaine promotion de l’homosexualité…

Ce sujet est complexe et sensible. Je me sens proche des analyses et recherches de Philippe Ariño : tout en plaidant contre l’homophobie — c’est-à-dire toute stigmatisation ou discrimination — il dénonce le poncif qui voudrait que l’amour entre deux hommes ou deux femmes doive-t-être comparé à l’amour conjugal. Derrière certains slogans virulents des pro-mariage homosexuel, s’exprime le besoin de reconnaissance inhérent à toute personne. Ce besoin mériterait une analyse en profondeur qu’escamote le discours sur « l’égalité des droits ». Je pense comme Philippe Ariño que nous ne devons pas faire l’économie de creuser la question de l’amour…

Le sujet de l’« amour vrai » n’est-il pas tabou ?

Ce serait dommage. La chape de plomb qui pèse sur ce thème est révélatrice. La pensée unique l’impose vis-à-vis des personnes homosexuelles. Est-ce leur rendre service ? Je me souviens d’un fascicule de prévention du SIDA destiné aux jeunes. il commençait par : « Être homosexuel, c’est bien. » Je ne crois pas qu’une évaluation morale aussi abrupte réponde au besoin d’un jeune concerné par un « désir homosexuel » (c’est l’expression qu’utilise Philippe Ariño pour rendre compte sans idéologie de ce sujet qu’il connaît bien).

Ne craignez-vous pas qu’on vous accuse d’homophobie, comme lorsque vous avez exprimé que les personnes ayant un handicap mental pouvaient aussi souffrir quand elles ne peuvent pas se marier ?

Résister au lobby LGBT comporte le risque de recevoir cette tarte à la crème. Mais elle est désormais fourrée d’un pétard mouillé. J’ai certes été désolé que mes propos aient été déformés en un amalgame que je récuse… Cette affaire m’a permis de mesurer la sensibilité au regard des autres de ceux qui se sentent dévalorisés voire rejetés. Est-ce la bonne réponse que de galvauder le mariage et d’établir des filiations fictives ? Ce n’est jamais en cédant à l’escalade des plaintes victimaires qu’on satisfait ceux qui les expriment. L’émergence d’un ressentiment contre l’impossibilité de l’engendrement homosexuel le confirme. J’admire d’autant plus les personnes homosexuelles qui refusent cette logique, en manifestant à nos côtés.

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