Le pouvoir de bâillonner (10 janvier 2018)

Il y a huit jours, la campagne d’affichage « La société progressera », d’Alliance VITA était retirée par les deux réseaux de distribution avec lesquels l’association était en contrat. Deux affiches sur trois, enlevées par Mediatransports, celle où figurent les mots paternité et maternité. Le troisième visuel les a donc remplacés : « La société progressera à condition de respecter la différence ». Ce réseau n’a pas osé exclure la jeune fille en fauteuil roulant, seule jugée conforme au principe de neutralité invoqué pour écarter les deux autres. L’autorité de régulation de la publicité avait pourtant validé les trois affiches.

Le lendemain, c’est toute la campagne que retirait l’autre réseau, Exterion Media, « à la demande de l’autorité concédante », soit la mairie de Paris, car Anne Hidalgo avait écrit un tweet comminatoire visant les deux régies.

Alliance VITA ayant intenté une première action en référé, le tribunal de Justice de Paris condamnait samedi Mediatransports à réinstaller les deux affiches censurées, sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par jour. Décision immédiatement exécutoire, et je précise qu’ici l’appel n’est pas suspensif.

Que croyez-vous qu’il arriva ?

Rien. Les affiches paternité et maternité n’ont pas réapparu.

Pour de nombreux médias, par cette décision de justice, nous avions obtenu le réaffichage. Sur le papier oui. En réalité non. Tout se passe comme si on préférait payer pour nous faire taire.

Le scandale a heureusement fait grand bruit. On a parlé d’effet Streisand, du nom de Barbra Streisand. En tentant de faire interdire une image aérienne de sa maison, l’actrice n’avait abouti qu’à attirer l’attention sur cette photo. C’est un processus médiatique connu : la volonté de censurer une information déclenche le résultat inverse. Effectivement, nos visuels ont été vus, largement, et commentés.

Nous avons tout de même pu entendre n’importe quoi sur le sens de cette campagne. Je rappelle qu’elle visait la loi bioéthique en débat. Invité à la télévision, je me suis retrouvé accusé. Soumis à la question, outé en direct – alors que ce n’était pas le sujet – sur le thème sensible de l’avortement, sans même avoir la possibilité de m’en expliquer, et dénoncé comme catholique, alors que cela n’avait rien à voir. Et nos adversaires de se réjouir d’avoir « démasqué l’extrémisme ».

Les soutiens ont certes afflué, mais je pose une question : en démocratie, de riches institutions peuvent-elles s’acheter le pouvoir de bâillonner ceux qu’elles ont décidé de réduire au silence ?

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