Nos corps, entre la vie et la mort… (7 septembre 2018)

Deux drames de l’été m’ont ému et fait réfléchir : il s’agit de deux suicides. 

Le 23 juillet, dix ans après avoir fondé les Femen, Oksana Chatchko a mis fin à ses jours à Paris à l’âge de 31 ans. Née en Ukraine, Oksana avait été initiée très tôt à la peinture d’icônes orthodoxes avant de se muer en fougueuse militante anarcho-féministe. Cause de ce basculement, sa perte de la foi, à l’âge de 15 ans, qu’on impute à une agression subie. Avec ses happenings grimés et dénudés, Oksana s’exhibait pour fustiger la domination machiste. Puis, rompant avec les Femen, elle est redevenue peintre. Peintre d’icônes détournées pour dénoncer la religion, élégantes et blasphématoires, souvent pornographiques. Images qui parlent bien sûr d’elle, de sa vie engagée et tourmentée, marquée par trois tentatives de suicide…

Le 1er août, c’est le mannequin canadien de 32 ans Rick Genest qui s’est suicidé, selon un rapport de police. Connu sous le nom de « Zombie boy« , il s’était fait tatouer tout le corps pour ressembler à un cadavre en décomposition. Cette addiction aux tatouages morbides serait née d’une opération au cerveau subie à quinze ans, et du surnom donné alors par ses camarades. Zombie Boy, égérie de Lady Gaga, vanté par son agence comme « une icône de la scène artistique et du monde de la mode », souffrait de troubles mentaux…

Ce qu’on sait de ces deux histoires est poignant. Aucun suicide ne résume le mystère d’une vie et je crois, en chrétien, en la puissance absolue de la miséricorde. Mais le graphisme de ces victimes d’une culture de mort médiatisée nous alerte : dans son essai  L’Accident originel, Paul Virilio note notre « accoutumance progressive à l’insensibilité, à l’indifférence, devant les scènes les plus démentes, (…) répétées par les marchés du spectacle » sous couvert de « liberté d’expression ». Et Virilio de nous mettre en garde : « Un peu comme au XIXe siècle où l’art officiel s’ingéniait (…) à glorifier les grandes batailles du passé et aboutissait (…) à l’hécatombe de Verdun, au tout début du XXIe siècle, nous assistons, médusés, à une tentative de promotion de la torture artistique, de l’automutilation esthétique et – ajoute-t-il – du suicide considéré comme l’un des beaux-arts. »

Alerte lucide, car l’euthanasie est désormais mise en scène… Mais que faire face au nihilisme qui enfle ? Récuser toute idée morbide et respecter la sacralité du corps. Proclamons, quoique mortels : « Mort, où est ta victoire ? »

Et que les âmes d’Oksana et de Rick Genest reposent en paix !

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