Protéger l’enfant de toute maltraitance

Photo: C.Becker

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À la veille des manifestations nationales du 5 octobre 2014, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA  et porte-parole de La Manif pour tous, fait le point sur les raisons de cette nouvelle m
obilisation.

Propos recueillis par Frédéric AIMARD

Pensez-vous qu’il soit encore utile de se mobiliser,  alors que les précédentes manifestations, pourtant immenses, n’ont pas dissuadé le gouvernement ?

Tugdual Derville : Plus que jamais. Les masques sont tombés : deux décisions de justice viennent de donner raison à toutes nos mises en garde. Ce gouvernement est en train de livrer la famille aux promoteurs de sa déconstruction. Il désire ardemment que notre mouvement social s’éteigne. Ce n’est pas le moment d’abandonner.

Beaucoup de Français viennent de prendre conscience que la véritable logique de la loi Taubira nourrit le marché mondial de la procréation, un marché où l’enfant est traité comme une marchandise, un objet qu’on peut acquérir quels qu’en soient les moyens. J’invite donc chacun de ceux qui sont attachés aux droits des enfants à nous rejoindre le 5 octobre à Paris ou Bordeaux. Ces Manifs pour tous sont plus que légitimes, elles sont indispensables.

Pourtant le gouvernement confirme son refus de la PMA homosexuelle et de la GPA…

Il l’avait laissé croire le 3 février 2014 au lendemain de nos dernières grandes manifestations en renonçant à son projet de loi famille, mais la donne a changé depuis quelques semaines. Être paisible et non-violent — comme je continue de le revendiquer — ne signifie aucunement qu’on doive faire preuve de naïveté.

Le grand retour des dérives que nous dénoncions est attesté par deux faits indéniables la même semaine. Le 22 septembre, La Cour de cassation a validé l’adoption de centaines d’enfants par les compagnes des femmes qui se sont permis de transgresser à l’étranger nos lois bioéthiques, en y achetant du sperme pour une insémination artificielle avec donneur anonyme. Cette pratique ampute l’enfant de la moitié de son patrimoine généalogique ; elle lui vole son père et lui interdit toute perspective de bénéficier d’une paternité ; elle l’arrache également à une partie de sa culture d’origine… comme s’il était légitime de concevoir un être humain « hors-sol » ; enfin, elle le force à cautionner un système familial artificiel où l’amour reçu de deux femmes sert d’alibi à une grave maltraitance originelle : priver délibérément un enfant de père. Voilà pour la PMA.

Quant à la GPA, en laissant passer la date butoir du 26 septembre, le gouvernement a renoncé à faire appel de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui l’enjoint de donner un état civil aux enfants conçus par GPA à l’étranger puis « importés » en France. Il cautionne donc cette pratique de façon hypocrite – quoi qu’en dise Mme Rossignol. Comme de nombreuses voix de gauche, y compris des députés de la majorité, nous avions demandé que la France résiste. Car ces pratiques de GPA sont simplement indignes. Elles s’apparentent à des trafics d’enfants et à la traite des femmes, réduites en productrices de bébés à vendre.

Madame Rossignol a annoncé des mesures contre la GPA…

Il suffit de lire la circulaire Taubira… Tant qu’on ne pénalise pas le détournement de la PMA et toute pratique de GPA comme des « maltraitances originelles » infligées aux enfants, où que ce soit, les paroles ministérielles ne seront pas dissuasives. Ne nous laissons pas enfumer : dès l’annonce de l’arrêt de la Cour de cassation, les militants de la prétendue « homoparentalité », comme l’avocate Caroline Mécary, ont pavoisé ; Erwann Binet, rapporteur de la loi Taubira à l’Assemblée nationale, a expliqué en substance que l’adoption « homoparentale » en France d’enfants conçus par PMA à l’étranger était bien conforme à l’intention des auteurs de la loi Taubira. Le Syndicat de la magistrature a quant à lui produit un tweet presque surréaliste : « PMA, la balle est maintenant dans le camp du législateur : repenser la filiation et la famille en ouvrant la PMA à toutes les femmes. »

Le mot « repenser » appartient au vocabulaire des déconstructeurs — ou démolisseurs — de la famille. Ils n’ont de cesse de contester l’altérité sexuelle à la source de tout engendrement. Tout est fait pour dénigrer l’écosytème de base père/mère/enfant. L’ancien porte-parole de l’APGL et de la LGBT au moment de la loi Taubira, Mathieu Nocent, s’est encore réjoui le 15 septembre sur twitter en utilisant le mot clé « pluriparentalité » d’une première ainsi décrite : « Au Brésil, un enfant a officiellement un père et deux mères. » à la lecture de l’article on découvre que la grossesse avait été « planifiée par les trois parents » et que l’enfant a, pour le moment, « six grands-parents ». Ce sont ces dérives qu’il nous faut stopper, en France, pays jusqu’ici protecteur de l’être humain contre toute marchandisation.

Alliance VITA s’était engagée contre la prohibition mondiale du clonage quand cette technique de procréation était en débat, et ce type de clonage est désormais banni ; nous demandons aujourd’hui que la GPA fasse l’objet d’une interdiction mondiale. C’est à la France de porter ses valeurs éthiques contre les dérives ultra-libérales qui font du bébé un objet de transaction.

Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’il est temps que les choses s’apaisent ou aux manifestants qui pourraient être lassés de descendre dans la rue « pour rien » ?

Relisons comment les abus de pouvoir ont été combattus au travers des âges… L’Histoire nous a monté que la lutte contre l’injustice nécessite persévérance et courage. C’est toujours à partir de communautés de pensée « conscientisées » que sont nés les grands mouvements de foule qui ont su résister à la toute-puissance.

Nous devons tout simplement changer le cours de l’Histoire, et nous allons réussir, le moment venu, car nous sommes du côté des faibles. Si la ténacité est dans les gènes de notre mouvement, c’est parce qu’il n’a rien de catégoriel. Il est enraciné dans l’altruisme, fondé sur une conception de la société qui demande à la loi de protéger le plus faible du plus fort, et non l’inverse. Les leaders politiques qui ne croient qu’à la lutte des classes ou aux conflits d’intérêts n’ont toujours pas compris la puissance de ce qui s’est levé.

Est-ce le cas de Nicolas Sarkozy dans ses réponses à propos de l’avenir de la loi Taubira ?

Pour lui donner sa chance, je dirai que Nicolas Sarkozy a voulu être gentil en attestant que notre mouvement « de braves gens » avait été piétiné par le pouvoir actuel… Il a dit « humilié ». Mais justement, je ne suis pas très à l’aise avec sa façon de présenter ce débat comme un affrontement entre des personnes (« les familles et les homosexuels », pour reprendre une autre de ses expressions) sans dire un seul mot de l’enfant. Rien sur le fond donc, et rien surtout sur ses intentions. Certains diront que c’est habile. Je retiens le flou.

Pire, en affirmant d’emblée que ce sujet n’est pas prioritaire pour les Français et que, s’il redevenait président, il éviterait, lui-même, de provoquer un affrontement sociétal en sens inverse, l’ancien président semble s’inscrire dans une coutume de son camp dès qu’il revient au pouvoir : ne rien toucher. La gauche libertaire n’a pas ce genre de scrupule. Or, à quoi bon combattre les lois transgressives, si l’on est incapable de les effacer ?

Dans les jours suivant ce premier entretien, des ténors appuyant le retour de l’ancien président ont soutenu publiquement deux options contradictoires sur la loi Taubira : notamment Laurent Wauquiez, pour son abrogation, et Nathalie Kosciusko-Morizet et Christian Estrosi, pour son maintien.

Entend-on nous ramasser en tas en ratissant large ? Cela nous dégoûterait plutôt d’une politique coupée des convictions. Nous disons pour notre part à tous ceux qui estiment que la transmission des repères anthropologiques aux générations futures est une urgence et une priorité : descendons nombreux dans la rue dimanche 5 octobre !

Nous montrerons aux politiques de tous bords, et d’abord au futur gouvernant, que nous voulons des paroles claires et des actes en conformité avec ces paroles. Et je précise aussi que manifester de nombreuses fois contre une première grave injustice et contre d’autres injustices qui en découlent, tant que ces injustices perdurent, ce n’est pas faire preuve de « radicalisation », encore moins d’obsession, mais simplement de constance dans les engagements.

Il en faut pour promouvoir une société humaine digne de ce nom, qui protège la famille contre toute idéologie et l’enfant contre toute maltraitance.

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