Abattage du droit (12 avril 2019)

Comme tant de Français, j’aime les arbres ! À la mort des marronniers de mon enfance, j’étais triste. Et quelle stupeur quand toute une ligne d’érables que dorait le soleil couchant a été abattue près de chez moi ! Euthanasiés à la tronçonneuse pour faire du bois de chauffage, ces arbres, m’a-t-on dit, étaient devenus trop vieux, dangereux. Je me console avec le chêne-liège trois fois centenaire du village voisin, protégé comme arbre remarquable.
Pourtant, j’ai tiqué devant la « déclaration des droits de l’arbre » proclamée, le 5 avril, à l’Assemblée nationale, par une association. On l’aurait intitulée sauvegarde des arbres, j’applaudirais. Mais peut-on accorder des droits à un végétal ? Une chose est de protéger la nature, pour la joie des hommes, ou seulement pour la beauté et l’équilibre de la Création, une autre est de tomber dans l’animisme.
Dopés par les best-sellers qui popularisent l’extraordinaire vie des arbres, les promoteurs de leurs « droits » jouent avec les mots en les décrivant comme des êtres intelligents et sensibles. Pour un peu, on leur attribuerait une conscience.
Je loue donc le recensement par l’association ARBRES de 400 spécimens remarquables dans l’Hexagone. Mais quand je lis l’article 2 de sa déclaration, que certains élus voudraient transformer en loi, je suis scié : « l’arbre a droit au respect de son intégrité physique, aérienne (branches, tronc, feuillage) et souterraine (réseau racinaire). » Idem dans l’article 3 qui stipule, après avoir noté malicieusement que l’arbre nous surpasse en longévité, qu’« il doit être respecté tout au long de sa vie, avec le droit de se développer et se reproduire librement, de sa naissance à sa mort naturelle, qu’il soit arbre des villes ou des campagnes ». Jardiniers et forestiers de tout poil devraient-ils déposer les armes ?
Conférer des droits aux animaux, en commençant par les primates, puis aux plantes, pour finir en toute logique par les salades, nierait ce qui nous distingue du reste de la Création. Pareille confusion dévalorise l’humanité. Elle promet d’impensables imbroglios juridiques. Seul l’homme est responsable et sujet de droit. Oserait-on inculper d’assassinat l’innocente plante carnivore ?
Alors, oui, continuons de découvrir combien le monde vivant – notamment végétal – est complexe, fragile et respectable. Et louons l’intelligence du Créateur. Mais gardons-nous de traiter bêtes ou plantes comme des humains, et réciproquement.
D’ailleurs, je déteste qu’on dise d’un patient grabataire que c’est un légume.

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